Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Le blog de anne.lesonneur.over-blog.com

Le blog de anne.lesonneur.over-blog.com

Un champ où tout se cultive au gré des humeurs.


Perplexité face à l'écriture...

Publié par Les chemins d'Anne sur 30 Octobre 2010, 12:22pm

Catégories : #Coups de coeur et de plume

Une petite réflexion à propos du dernier roman de Laurent Gaudé paru en poche dans la collection Babel (Actes Sud) : La Porte des Enfers.

 

Au cœur de l’Italie et des guerres de gangs, un père voit mourir sous ses yeux son enfant dans un attentat aveugle. Perdu dans un profond désespoir, porté par l’amour qu’il lui porte, ce père ira jusqu’à la porte des Enfers pour retrouver son fils.

 

Voici un étrange livre, non à cause de l’histoire elle-même mais par la sensation de malaise qu’il fait naître chez le lecteur. Et je dois avouer que j’ai lutté pour lire cette histoire jusqu’à sa fin. Bien sûr, je comprends ce qu’a voulu écrire, exprimer Laurent Gaudé, ce message d’espoir malgré tout, malgré cette impression d’une défaite, d’un « trop tard », ce goût amer de ne rien pouvoir recommencer, cet inévitable « faire avec ». Et si le livre s’achève sur les bras tendus d’une mère vers son fils, comme un amour retrouvé, ces bras s’ouvrent aussi sur trois vies ruinées.

 

Bien sûr le lecteur ressent la colère de la mère, cette colère qui surgit du plus profond de ses entrailles, de ces mêmes entrailles qui accueillirent son fils Il ressent et comprend aussi le duel qui se joue dans le cœur même du père et, finalement, son manque de courage, cette apparente lâcheté qui se révèle receler un très grand amour. Et c’est par ce très grand talent qui le caractérise que Laurent Gaudé nous permet de voir ses personnages évoluer, les voir si bien qu’il nous faut prendre de la distance si nous voulons respirer un peu.

 

De là naît, je pense, le malaise que le lecteur peut ressentir. Les mots ont bien plus de force que les images car, d’une certaine manière, lisant, nous participons à la réalisation du récit. L’auteur nous donne de créer visuellement ce qu’il écrit. Et les premières pages de ce livre nous plongent dans une vengeance d’une réelle cruauté ! De sorte que le lecteur a l’impression d’être en partie responsable de la violence des images qui surgissent en son esprit, comme si elles naissaient de nous-mêmes, comme si cette violence venait de nous... Je crois qu’écrivant, nous avons la responsabilité des images que nous insinuons dans l’esprit du lecteur. Ecrire est un partage, un accueil de ce lecteur, quel qu’il soit, dans le respect de son humanité.

 

Quelle est donc cette porte des Enfers qui donnerait à un être de souffrir toute sa vie ? Laurent Gaudé aura-t-il voulu écrire le premier volet d’une Divine comédie plongée dans notre monde qui sait être brutal ? Aura-t-il cherché à s’approcher de certains thrillers qui savent être terriblement noirs ? Aura-t-il tenté d’extraire de lui cette violence du monde qu’il ressent ? Je ne sais pas. Simplement, voilà un écrivain que j’apprécie par la profondeur de l’écriture et le regard qu’il porte sur notre humanité, mais voilà un livre dont je ne conseille à personne la lecture.

 

 

 

01 Promenade d'automne

 

 

 

 

Aux portes qui nous enferment en nous-mêmes, dans nos violences et nos rancunes, je leur préfère les chemins qui nous portent vers l'autre et nous ouvrent au pardon. Et j’aimerais achever cette petite réflexion sur les mots d’Etty Hillesum : On voudrait être un baume versé sur tant de plaies (Etty Hillesum, Une vie bouleversée, Point Seuil, avril 1995).

 

   

 

Anne Le Sonneur. 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
A
<br /> <br /> J'aime cette façon d'amener le lecteur tout à la fois à lire et à éviter de lire ce livre, j'apprécie, à la fin de ce cheminement, la citation qui arrive comme un baume. C'est bien à chacun,<br /> selon son regard, de trouver ce chemin de compréhension des multiples facettes de l'humanité que nous abrittons en nous. Merci  de cet échange.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> Merci à vous. Je préfère de très loin votre Complainte de Rutebeuf à la Porte des Enfers. Sous votre pinceau se dit notre humanité. Cette huile est vraiment très belle.<br /> Anne<br /> <br /> <br /> <br />

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents