Pour le jeudi en poésie proposé par m'annette, un texte qui n'est pas poétique, mais un temps de jeu, et puis mes premiers mots posés chez les croqueurs pour la malle de Parisianne Musardises, que je refais paraître ici, mots à peine rallongés.
Il arrive parfois que les mots se refusent. Certains trébuchent péniblement sur la feuille et finissent par s’y accrocher avec une grande difficulté. Ces mots-là n’ont bien souvent que peu de résonnance. Tout titubants, ils ont trop longtemps hésité. Alors, la feuille se froisse de si peu de profondeur et achève sa course vers l’écriture au cœur de la corbeille.
Il est des jours durant lesquels, malgré la plus grande volonté de la musique, répétitive au possible, s’acharnant à créer une atmosphère, tout n’est que mutisme. Le silence se cogne aux murs, à la feuille. Tout est creux, vide. Seule la corbeille s’emplit, qui semble repue. N’y aurait-il donc plus rien à dire ?
Le vide apparent n’attend qu’une chose : l’ouverture.
Une porte, puis deux. Quelques pas dans la froideur de l’automne. D’autres portes, d’autres frissons. Quelques sourires croisés, quelques visages fermés… J’avance.
D’une couleur à l’autre, d’une technique à l’autre, les portes se mettent en mouvement. D’une odeur à l’autre, j’avance encore sans rien attendre. Le silence se dit toujours, l’accueil se vit aussi, un peu plus profond. Puis, mes mains poussent délicatement la dernière porte…
Et je retrouve le son du papier froissé. Il porte en lui une autre résonnance, murmurant la vie que je n’avais pas su entendre, quelques heures plus tôt.
Une boulette de papier qui rate sa cible. Une boulette qui recommence, encore et encore, inlassablement, laissant échapper des rires d’enfance. Une feuille plus obstinée, une corbeille têtue, tentant de garder espoir, cet espoir de l'accueil.
Le papier enfin se lie à la corbeille, y creuse sa place, s’y love. Et ta joie se mêle aux éclats de lumière.
Une boulette de papier, entre quatre murs trop blancs. Un jeu de basket dans une chambre aseptisée. Ton sourire d'enfant.
Une boulette de papier éclatant en mille pétales de souffle. Une porte enfin ouverte à l'essentiel.
Et la feuille accueille les mots, dans la profondeur de ta vie battante.
Un papier défroissé pour toi...
Et ce papier crépon, aujourd'hui, découpé, malmené, chante ta joie d'être là.
Anne Le Sonneur